Le 4 août dernier, les autorités et la population Villardine se réunissaient sur les lieux du bombardement de 1944. Accompagné par la fanfare "L'Echo du Lachat", le dépôt de gerbe était précédé du récit des événements relaté par Monsieur Rolond Avrillon et dont voici le contenu :
Vendredi 4 août 1944, 17 heures
Je me souviens, je me souviens... j'avais 8 ans ½ ; je m'amusais à Carouge avec mes cousins.
La veille, j'avais entendu mes parents raconter qu'il y avait eu des morts à Thônes, suite à un bombardement. Tout à coup un vrombissement nous fait relever la tête.
Trois avions à basse altitude montent la vallée en direction de St Jean, tournent et redescendent en piquant.
C'est la 1ère fois que je vois des avions de si près.
Quelque chose allongée et noire se détache du 1er avion, arrive au sol vers l'église dans un énorme bruit et un nuage de poussière.
Puis un 2ème avion pique !
Je me sauve à la maison en courant. J'entends une 2ème déflagration.
Maman m'entraîne dans la cave sous la forge, seul endroit de la maison protégé par une dalle.
Nous ressortirons un bon moment plus tard... plus d'avions... tout est calme.
Papa part en courant avec d'autres hommes en direction du village enfumé. Il revient après quelques heures et nous raconte le désastre.
La maison de Jean Poupi , l'épicerie Paul Genans sont détruites. La maison Bochet a failli brûler.
Il nous apprend la mort de Mme Vallanzasca et de sa petite fille venues se réfugier aux Villards pour échapper aux bombardements annéciens.
Il nous raconte que c'est lui qui a découvert la petite fille sous les décombres dans le bassin en haut de la maison que louait Mme Vallazansca à Paul GENANS.
Maman pleure, elle connaissait bien cette petite fille et sa maman. Elle allait souvent faire le ménage et la lessive chez Suzanne GENANS qui était occupée par son magasin, une « épicerie-mercerie ». Maman ne veut pas dormir à la maison ; papa, natif du Gapigny nous emmène chez grand-mère. Un peu de linge et la chèvre à « La Bertine », nous voilà traversant dans les champs au-dessous du village. Papa nous fait éviter la route du centre du village probablement encombrée de gravats.
Nous rencontrons des gens courant en direction de la rivière. Arrivés au Fieugy, quelqu'un nous déconseille de monter au Glapigny. Toutes les maisons sont occupées de réfugiés de Thônes. De retour à la maison, nous passerons la nuit et les suivantes sous un gros noyer en haut de la maison.
Ce bombardement fera 2 morts et 3 blessés ; Régis Genans-Boîteux dit « Régis au Matre », papa de Marie Pauthex, blessé à la mâchoire. Il aurait soit disant eu la vie sauve grâce à son faux col qu'il portait en permanence.
Adèle Sylvestre-Boncheval, tante de Raoul, et sa fille Yvette, blessée gravement à la cheville.
Ces 3 personnes ont été blessées par les éclats de la 3ème bombe qui a éclaté en percutant le sommet d'un gros noyer qui se trouvait à côté de la maison de la « Phonsine à Passon » (Maison Guabello achetée par le Département et qui sera démolie en vue de la création du futur rond point). Avis aux démolisseurs de cette maison, ils trouveront sûrement des parois criblées d'éclat de cette bombe.
Les 3 blessés ont été transportés par Roger Alvin chez le docteur Chappuis à St Jean dans sa camionnette à gazogène. (précisions de Roger Alvin : il se trouvait à ce moment là à Thônes pour déménager son copain Jean Bognette (frère de Léon à Charles). Quand ils ont vu de la fumée sur les Villards, ils sont de suite remontés et c'est ce qui explique que sa camionnette était en ordre de marche avec un matelas à l'intérieur. N'ayant pas de laisser-passer pour aller à l'hôpital d'Annecy, il a conduit les blessés à St Jean).
Dans la maison voisine de Paul GENANS où est construit actuellement l'immeuble « Le Colomban » habitait Jean Poupi, petit négociant en reblochon.
Au moment des faits, il était assis sur son balcon à compter la recette de son marché. Il s'est retrouvé assis devant la porte de la cave sous le balcon, sans mal... sourd comme un pot, il n'avait rien entendu et rien compris à ce qui arrivait.
« Pour la petite histoire, je me suis trouvé souvent avec sa servante sur les talus des routes à faire paître nos deux chèvres respectives ! ».
L'église non plus n'a pas été épargnée. Le souffle a fait voler en éclat les vitraux et percé d'éclats multiples la toiture en ardoises.
En repartant, les avions ont de nouveau bombardé Thônes.
Le lendemain 5 août, l'aviation anglaise a détruit la piste d'envol de Lyon Bron d'où venaient les avions allemands.
Sinon, paraît-il, que tous les villages environnants du Plateau des Glières auraient reçu la visite de ces sinistres oiseaux, semant la terreur et la mort.
Ces bombardements étaient faits en représailles du parachutage du 1er août au Plateau des Glières.
Des photos ont été prises par le Père René Sylvestre. Il y avait sûrement peu d'appareils photos à l'époque !
Aujourd'hui le site a changé.
Seule la maison Bochet a été réparée et est restée dans son style d'origine.
Et bien sûr, l'église avec ses vitraux rénovés par le Curé Bouvard, dans les années 50.
Voici ce dont je me souviens, de ces tristes jours qui marquent quiconque pour toute une vie.
Pourtant qu'était-ce à côté de ce qu'on pu vivre les habitants de certaines villes, de ce que vivent aujourd'hui ceux de ces pays en guerre perpétuelle.
Le monde verra-t'il un jour la Paix !
Roland AVRILLON